LETTRE OUVERTE A MONSIEUR FRANÇOIS HOLLANDE, PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE
Paris, le 7 septembre 2016
Concerne : A-t-on pensé aux enfants avant de réformer l’Agence Française de l’Adoption ?
Monsieur le Président de la République,
Depuis un an, votre gouvernement travaille à la constitution d’un grand service public de protection de l’enfance à travers le rapprochement entre l’AFA (Agence Française de l’Adoption), qui œuvre dans le cadre de l’adoption internationale, et le GIPED (Groupement d’Intérêt Public de l’Enfance en Danger), qui gère le service national d’accueil téléphonique de l’Enfance en Danger et l’Observatoire national de la Protection de l’Enfance. Les objectifs annoncés sont positifs : réunir ces deux groupements d’intérêt public (GIP) en une seule entité afin de mieux répondre aux besoins des enfants, mieux accompagner les postulants, mieux les informer, mais aussi dynamiser le fonctionnement de l’AFA …
Nous ne pouvons que souscrire aux objectifs recherchés à condition toutefois que toutes les conséquences de ce rapprochement aient bien été identifiées en amont.
Or personne ne semble avoir envisagé les conséquences qu’entraînera la disparition juridique de l’AFA dans la trentaine de pays d’origine dans lesquels elle est accréditée. Une fois le GIP actuel dissous, toutes ses accréditations cesseront d’exister. Conséquence directe, toutes les procédures d’adoption internationale auxquelles l’AFA est partie seront suspendues (voire annulées) quel que soit leur état d’avancement, personne ne pouvant préjuger de la réaction souveraine de chacun de ces pays. Il est à craindre que l’accréditation de la nouvelle entité juridique prenne plusieurs mois, voire années dans d’autres pays, et même que certains choisissent simplement de ne pas ré-accréditer ce nouveau GIP. Ministère des Familles, ministère des Affaires étrangères, MAI (Mission de l’Adoption Internationale), direction générale de la Cohésion Sociale, chacun se renvoie la responsabilité de la transition et à ce jour aucune solution n’est trouvée.
Que deviendront les centaines d’enfants qui vont rester des semaines, des mois ou des années supplémentaires dans des institutions plus ou moins bien traitantes, qui ont pu rencontrer leurs parents à plusieurs reprises, que l’on a parfois préparés à l’adoption, et pour qui rien ne se passera ? Quel avenir pour eux, quels dégâts psychologiques ? Repousser des échéances annoncées ne fera qu’émousser leur confiance dans les adultes et rendre encore plus difficile un attachement futur.
Qui accompagnera les centaines de familles qui vont se retrouver dans des impasses : celles dont les dossiers n’aboutiront jamais dans le pays d’origine vers lequel ils ont été transmis ; celles pour lesquels l’agrément expirera et dont le projet ne pourra plus jamais aboutir ; celles qui auront été apparentées et dont l’enfant n’arrivera que dans 2 ans, 3 ans ou plus après l’apparentement voire jamais? Les services adoption dans les départements ? Les correspondants AFA ? Ou encore et toujours les associations ?
Nous vous demandons de surseoir au vote de cette loi tant que la garantie de la continuité des accréditations de l’AFA dans les pays d’origine des enfants n’est pas assurée. Un GIP spécialisé dans la protection de l’enfance ne peut pas poser comme acte fondateur une souffrance accrue pour les enfants qui attendent leurs parents.
Nous vous prions de croire, Monsieur le Président de la République, en l’assurance de notre haute considération.
Nathalie Parent, Présidente d’Enfance & Familles d’Adoption (secretariat.federation@adoptionefa.org)
Marc Lasserre, Président du Mouvement de l’Adoption Sans Frontière (contact@masf.info)
Marie Garidou, Présidente de l’Association des Parents Adoptant en Russie (marie.garidou@apaer.org)